Jordan Amavi : "Le foot et rien que le foot..."

Mon enfance

J’ai eu la chance d’avoir un ballon dans les pieds très tôt. Mon père entraînait au Sporting Toulon Var. j’ai commencé à faire mes gammes là-bas à l’école de foot jusqu’en U17 DH. Il m’a entrainé de tout jeune, jusqu’en benjamin et quand je suis passé au foot à 11, j’ai découvert d’autres entraîneurs. Mais c’est lui qui m’a mis dans le bain. Mon père m’a rappelé des anecdotes dont une particulièrement marquante : quand il m’enlevait la Playstation, je m’en foutais mais quand il m’enlevait le foot, c’était compliqué.

 

Il faut dire que j’aimais bien faire n’importe quoi. Je faisais des bêtises, surtout à l’école. Je cachais mes mauvaises notes à mon père et quand j’en avais des bonnes je lui montrais, du coup quand on recevait le bulletin ça ne collait pas avec les notes. J’en rigole maintenant…


Le foot m’a surtout aidé à me dépenser. Je me souviens que même quand je finissais les matchs à 13 ans ou 15 ans, le dimanche après-midi, j’allais ensuite jouer avec les collègues. C’est vrai, le foot m’a fait du bien.

Mon père était toujours derrière moi, il voulait que je travaille à l’école, ce qui est normal. Je faisais ce que je pouvais parce que je n’ai jamais vraiment aimé l’école. Après, c’était le foot, le foot et toujours le foot… Sans faire n’importe quoi à l’école. J’essayais de travailler un minimum et d’avoir de bons résultats, mais pour moi, c’était le foot avant tout. Assez tôt, j’ai tout misé sur le foot.
 

Jordan Amavi

Ma formation à Nice

À 17 ans, j’intègre le centre de formation de Nice. Les joueurs de ma génération étaient arrivés juste une année avant moi. On peut dire que c’est tard sans vraiment l’être. On peut percer aussi beaucoup plus tard dans le foot. Il n’y avait pas que Nice sur les rangs. Des gens des Girondins de Bordeaux m’avaient proposé de venir faire des essais. Ils me disaient que s’ils me voulaient vraiment, ils me feraient signer directement. Ça m’embêtait un petit peu car c’était l’occasion d’avancer dans le foot. Mon père a été patient et à mes 16-17 ans, l’OGC Nice est venu me chercher. J’ai eu des contacts avec l’AS Cannes également et Monaco aussi, un peu après.

 

Les premiers mois à Nice ont été difficiles, très difficiles même. C’était un niveau supérieur, un football au-dessus encore par rapport à ce que j’avais pu connaître en amateur. Ça allait beaucoup plus vite. Les joueurs de mon âge étaient là depuis une année. Ils avaient déjà un niveau au-dessus. 
Les quatre premiers mois ont été difficiles, mon père m’avait averti. Il m’a dit de m’accrocher et c’est grâce à lui que je me suis accroché, que j’ai travaillé et que j’en suis là aujourd’hui.
Pour ce qui était du relationnel avec les autres joueurs, c’était marrant, d’ailleurs je suis en contact avec pratiquement tout le monde. C’était que du bonheur, mais niveau football sur le terrain c’était vraiment difficile, ça allait vraiment plus vite que ce que je pensais. Moi j’arrivais en pensant que… Mais il fallait vraiment bosser.

 

A Nice, des personnes m’ont vraiment aidé. Manu Pires en fait partie. Les personnes que j’ai connues au centre de formation sont des personnes que j’apprécie énormément. Je ne sais pas comment l’expliquer mais ils nous ont appris à devenir des hommes. Manu Pires ne m’a jamais lâché, il a toujours été derrière moi, il m’en a envoyé dans la gueule. Moi j’étais à l’écoute et j’avais faim car je voulais avancer. Ça m’a servi et ça me sert encore. Il a eu confiance en moi et aujourd’hui ça a marché. D’ailleurs je suis toujours en contact avec lui, parfois il m’appelle, il prend des nouvelles.

 

C’est à Nice que j’ai été replacé arrière gauche. A Toulon, j’avais déjà joué arrière gauche et un coach m’avait dit : «tu finiras arrière gauche». Je lui répondais : «non, j’ai envie de jouer devant, de marquer des buts et d’être un joueur offensif». Mais quand tu arrives au centre de formation, tu travailles et quand le coach de l’équipe une te dit : «qu’est-ce que tu en penses si on te replace arrière gauche ? ». Tu ne dis pas : «non, j’ai envie de marquer des buts». Tu dis : «oui, pas de souci».
 

Jordan Amavi

Mes années à Nice

Un nouveau départ

Claude Puel m’a fait monter en pro. A la base je devais jouer en CFA, mais si je ne dis pas de bêtises, le match a été annulé et je me retrouve arrière gauche pour la première fois en 19 Nationaux contre Lyon. On gagne 4 à 2, je crois, et je mets un doublé : un coup franc, pas le plus beau des coups francs, il est dévié mais il y a quand même but. Je marque le second après une percée.

Par la suite, le coach Puel m’a fait travailler avec la vidéo. Beaucoup de vidéo, pour apprendre à bien me placer, faire les bons choix et avoir une âme de défenseur. J’étais seul dans son bureau avec lui. On regardait une vidéo uniquement sur moi avec les points positifs et points négatifs. Et ça pour tous les matchs. Il ne m’a pas lâché comme l’ont fait le coach Pires ou les autres au centre de formation. Il ne m’a pas lâché et ça avançait tout seul.

Claude Puel est venu me parler sur un terrain. C’était à la fin de l’entrainement avec les pros. Il me dit : «comme tu sais et comme tu as pu le remarquer on veut te faire jouer arrière gauche. On pense que tu as les qualités pour. Tu cours vite, tu sautes haut, tu es endurant, tu peux répéter les efforts. On pense que ça peut être intéressant pour toi pour le futur».  Il me demande ce que j’en pense. Je lui dis : «pas de souci, avec plaisir».Pour moi, ce repositionnement est un nouveau départ. Je me dis que si on me replace là c’est que des personnes pensent que j’ai les qualités pour réussir à ce poste. Le coach Puel a lancé pas mal de joueurs qui maintenant sont des stars internationales. Il sait ce qu’il fait, on est obligé de lui faire confiance. Je voulais être professionnel et être un joueur offensif. Ça ne marche pas, je suis replacé défensivement et je vais bosser pour réaliser mon rêve même si c’est à un autre poste et que ce n’est pas comme je l’imaginais.

Jordan Amavi et Claude Puel

Reculer pour mieux avancer

Aujourd’hui, je prends énormément de plaisir à être défenseur et à récupérer des ballons. C’est même ce que je préfère désormais : être défenseur plutôt qu’attaquant. 

C’est très important, ça peut changer un joueur. Si tu sais que le coach a confiance en toi, ça change tout. Personnellement, même si le coach ne me fait pas confiance, s’il me fait jouer, je vais me donner à fond pour la gagner. Pour moi, pour mes coéquipiers et pour le club. Quand l’entraineur te fait confiance, c’est plus facile.  Tu joues libéré.
J’avais une très bonne relation avec Claude Puel. D’ailleurs à Nice à l’époque, des joueurs disaient que c’était mon père. Ça se passait très bien, j’étais à l’écoute, il était content. J’essayais de lui rendre sa confiance sur le terrain en étant au top du top.

Un entraîneur, c’est un peu tout à la fois : patron, ami, prof et même papa. Pour un coach, c’est important d’avoir une bonne relation sur et en dehors du terrain avec ses joueurs. Il fait des rappels à l’ordre, signale que de bonnes choses sont faites, il est toujours là et veille à ce que tout se passe bien.

Jordan Amavi

Mon passage à Aston Villa

C’était spécial pour moi à Aston Villa car je revenais de blessure (les croisés), on avait eu Di Mattéo comme entraîneur. Il m’encourageait : «vas-y Jo, travaille, travaille !». J’avais l’impression qu’il m’attendait, il voulait que je me donne à fond, il voulait me faire confiance. Mais à mon retour des croisés, j’avais du mal. A cette période, on perdait des matchs bêtement : on menait 1-0 et dans les dernières minutes, on prenait des buts. Comme le club voulait remonter en Premier League, le coach n’est pas resté. Et Steve Bruce a rejoint Villa.

 

A son arrivée, il m’a aligné. On a eu des résultats et on se sentait bien. Il n’y a eu aucune défaite sur ses 7 premiers matchs sur le banc. Je faisais de bonnes performances même si je revenais de blessure. Mais, en Championship, il y a des matchs tous les trois jours et au bout d’un moment, en revenant d’une blessure comme la mienne, ça se complique. J’enchaînais les matchs, le samedi, le lundi suivant… Je jouais alors qu’il y avait un autre joueur à mon poste, Aly Cissokho. En plus, je ne me sentais pas comme un titulaire indiscutable.

 

Un jour, il me convoque dans son bureau. Il pensait que ça n’allait pas chez moi, dans ma vie personnelle. Je lui ai répondu, un peu comme je pouvais car je ne parlais pas bien anglais, que tout allait très bien, qu’il n’y avait aucun souci que c’était parce que je revenais de blessure. J’avais eu 9 mois d’arrêt. Je savais que je devais être performant mais c’était dur d’enchaîner tous ces matchs. L’envie était là mais mon corps n’y arrivait pas. Ce qui était normal. Je n’ai pas senti ce coach sincère avec moi…

 

Ensuite, un nouvel arrière gauche arrive au club. Pour son premier match, il est malade et ne peut venir en déplacement à Nottingham, si je me rappelle bien. Dans le bus, d’autres joueurs me disent que je vais jouer. On arrive à la causerie et là, il passe en 3-5-2… Je n’ai pas joué. J’ai peu discuté avec lui, je ne sais pas comment je devais l’interpréter mais je l’ai pris comme ça.
Je me souviens d’une autre anecdote. On avait joué un match le samedi précédent et le jour du match suivant, il me dit que j’avais été le meilleur joueur de l’équipe mais qu’il ne m’alignait pas aujourd’hui parce qu’il voulait changer de système. C’était difficile à comprendre…

 

Par la suite, il y a eu des blessures chez les ailiers de l’équipe et là, j’ai joué ailier gauche. Malheureusement pour eux mais heureusement pour moi, car après ma blessure je devais jouer, le coach m’a aligné et au bout du compte, j’ai fait 34 matchs dans la saison. J’ai donc joué au poste d’ailier et petit à petit j’ai retrouvé de bonnes sensations et mon niveau. Parfois, il me replaçait arrière gauche et, je n’ai pas eu de chance, je faisais des erreurs que l'on payait cash, on a pris des buts…

 

Quand je descendais en défense, il fallait vite se remettre dedans. Au milieu, quand je recevais le ballon, j’essayais de trouver une passe mais en défense si la balle est interceptée, il pouvait y avoir un but rapidement. Parfois, je  lui donnais raison de ne pas me faire jouer. Mais globalement, j’ai fait pas mal de matchs au poste d’ailier et cela m’a permis de revenir en forme. En plus, l’OM me voulait à la trêve mais j’avais refusé car il me fallait du temps de jeu et je ne pouvais pas arriver dans un club comme l’OM alors que je n’étais pas au maximum de mes moyens.


J’ai vraiment adoré jouer en Angleterre, même en Championship. Le club, les stades, les supporters… Ce n’était que du bonheur. Même si nous sommes descendus en D2, j’en garde de bons souvenirs. Je ne souhaite que du bonheur à Aston Villa pour la suite.
 

Jordan Amavi

J'ai refusé l'OM à 22 ans

Au moment où l’OM se présente, le coach Steve Bruce me dit qu’il a besoin de moi et qu’il compte sur moi. Mais ce n’est pas ça qui m’a fait rester. Même sans ça, je serais resté quand même car j’avais besoin de temps de jeu. En Championship, il y a 46 matchs de championnat, je savais qu’au bout d’un moment j’allais jouer. Je ne pouvais pas venir dans un club comme l’OM, qui veut jouer toutes les compétitions à fond, alors que je revenais de 9 mois de blessure et que je n’étais pas à 100%. Dans tous les cas, je serais resté à Aston Villa. C’était un choix personnel, et dans ma tête, je savais que j’allais jouer. J’avais besoin de temps de jeu… Dans le pire des cas, je serais resté à Villa afin de récupérer mon niveau et ma place. Et de fil en aiguille, je serais peut-être allé dans un autre club.

C’était un choix personnel qui n’avait rien à voir avec les choix du coach… J’ai bien fait car j’ai joué pas mal de matchs. Si j'étais venu à l’OM à ce moment-là, cela aurait été différent. J’aurais eu plus de mal et, avec la concurrence, l’environnement, les attentes du club et des supporters, les choses auraient été différentes car je n’étais pas au top. Alors qu’aujourd’hui, je peux répondre aux attentes car je suis à 100%.

Jordan Amavi

Mon côté chambreur

Il y a un temps pour la rigolade et un temps pour travailler. Si on arrive à mêler les deux, comme ici, c’est magnifique. En arrivant à l’OM, je ne pensais pas que cela allait se passer comme ça : on rigole beaucoup mais ça travaille aussi beaucoup. On arrive à mélanger les deux et ça marche bien. Pour faire de bonnes performances, la vie de groupe, c’est important.

André Villas-Boas ne chambre pas trop. Il entend nos conneries donc je pense qu’il en rigole mais il n’est pas trop chambreur. Mais il a instauré le fameux tunnel. Il avait fait ça dans ses anciens clubs. Dès qu’il y a un événement on fait le tunnel. On en profite pour mettre un peu des claques. On le fait un peu pour tout et n’importe quoi, mais c’est marrant, ça met de la bonne humeur.
J'y ai eu droit pour mon anniversaire...

Jordan Amavi

Le foot et rien d'autre...

J’ai pensé, pas longtemps, à ce que j’aurais pu faire si je n’avais pas percé dans le foot. Un matin, je me réveille chez ma grand-mère avec cette question : «qu’est-ce que je fais si je ne fais pas de foot ?». Parce que justement mes parents me disaient de travailler à l’école. Je n’étais pas encore au centre de formation et pourtant dans ma tête c’était le foot, le foot, le foot. Je ne me voyais pas faire autre chose que ça. C’est ce que je voulais faire, c’est ce que je fais aujourd’hui et je vais tout faire pour que ça dure le plus longtemps possible. C’est un métier magnifique, c’est ce que j’aime par-dessus tout. Quand je vais à l’entrainement je suis content, je me lève, je vais jouer au foot. Après, il y a de bons et des mauvais moments, mais à part le foot je ne vois pas ce que j’aurais pu faire d’autre.

Jordan Amavi

Jordan Amavi